Moby Dick – Old

MOBY DICK, UNE TRAVERSEE

Aurélien Recoing, récitant

Vinciane Béranger, Philippe Foch, musiciens

Spectacle disponible en tournée

Le souffle de la baleine

Ishmaël embarque sur le Pequod, baleinier mené d’une main de fer par le capitaine Achab, qui ne rêve que d’une chose : retrouver Moby Dick, féroce cachalot blanc qui lui arracha la jambe lors de leur dernière rencontre… Entraînant l’équipage dans sa quête insensée, il est prêt à tout sacrifier pour sa vengeance. Écrit dans une langue somptueuse, le roman-culte d’Herman Melville, d’une inépuisable richesse symbolique, tient à la fois du récit d’aventures, de l’encyclopédie sur la mer et la chasse à la baleine, et de la parabole biblique, s’interrogeant tant sur l’existence de Dieu que sur la lutte entre le Bien et le Mal.

Aurélien Recoing, Vinciane Béranger et Philippe Foch s’emparent tous les trois de cette langue tumultueuse, en prêtant, qui sa voix et son corps, qui son instrument et son corps , à cette épopée magistrale dont

Vinciane Béranger, altiste, voix

Philippe Foch, percussions

Aurélien Recoing, récitant

 

Réalisation Irina Solano et Vincent Di Rosa

Remerciements à la Scène Thélème pour le tournage

Contact: l’autre bureau

Entretien avec Aurélien Recoing

Nadine Eghels : Comment est venue cette envie de vous emparer d’un roman-culte comme Moby Dick pour en faire un spectacle ?

Aurélien Recoing : Il s’agit d’une envie de retraversée de l’oeuvre. Moby Dick est un livre qu’on aborde jeune, comme un passionnant roman d’aventures, certes complexe, mais qui peut se lire comme une suite de péripéties. Lorsqu’on reprend le roman à un âge plus avancé de la vie, il se révèle dans toutes ses dimensions : épique, philosophique, biblique, et c’est vertigineux. On y trouve une langue somptueuse, l’âme d’un territoire, d’une époque, d’une culture. L’idée d’une mise en scène m’a doublement enthousiasmé, à cause de l’œuvre de Melville mais aussi de la superbe traduction qu’en a donnée Giono. La forme du récit est très élaborée, avec de multiples clés, et pour moi elle renvoie à une sorte de livre de bord, comme un feuilleton de notre propre vie posé sur la table des océans. La langue, à la fois littéraire et parlée, porte une grande théâtralité, avec des moments de profération et des échanges plus quotidiens, des accents symboliques, des références bibliques, des notations encyclopédiques, mais surtout elle est traversée par un incroyable souffle épique.

N.E. : C’est ce souffle qui a parlé à l’acteur en vous ?

A.R. : Oui bien sûr, c’est le souffle de la baleine, qui donne envie d’incarner cette parole, et appelle le jeu. On s’identifie au narrateur, mais ce n’est qu’à la fin qu’on comprend que, seul rescapé de l’aventure, il est là pour nous la raconter.

N.E. : Ishmaël nous raconte ce qu’il a vécu. Comment trouver une forme théâtrale pour transmettre ce récit, sans toutefois le jouer ?

A.R. : Il s’agit en effet d’être, sur le plateau, ce personnage qui raconte, sans jouer le contenu du récit mais en incarnant sa parole. C’est elle qui transmet toutes les émotions physiques sans qu’il soit nécessaire de les représenter. À travers elle l’acteur incarne finalement tous les personnages, à travers une série de métamorphoses successives. Une incarnation allusive (pas besoin de harpon sur le plateau !) mais qui est vécue intérieurement par l’acteur.

N.E. : Comment ce roman complexe et touffu écrit à la fin du XIXème siècle peut-il toucher le public aujourd’hui, abreuvé d’images et de séries prêtes à consommer ?

A.R. : Ce roman est une quête : la chasse à la baleine, à la vie à la mort, porte une dimension métaphorique. Il s’agit du sens à donner à sa vie. Après quoi courons-nous, à quels sacrifices pourrions-nous consentir, quelles valeurs nous guident ? Si ces questions ne datent pas d’hier, elles sont toujours actuelles, peut-être même davantage encore de nos jours ! Quand on replonge dans le roman à l’âge mûr, on pense forcément à sa jeunesse, à l’exigence d’absolu qui nous animait, à la découverte de soi-même quitte à s’y perdre, aux premiers désirs et aux choix qu’on a faits. Melville propose un modèle (Achab, animé par la vengeance) mais en même temps induit le questionnement et la critique. Au-delà du voyage, cette réflexion nous est forcément utile aujourd’hui.

N.E. : Quelle sera la dimension musicale du spectacle ?

A.R. : Nous formons un trio avec Philippe Foch (percussionniste) et Vinciane Béranger (altiste). Je considère que le rythme de la voix, son timbre, sa puissance et ses faiblesses s’inscriront dans cette improvisation épique. Tour à tour, le chant des instruments s’emmêlera, se mariera en une multitude de voix pour raconter « in vivo » l’histoire de Moby Dick. Du point de vue de l’espace, le champ des percussions sera au centre de tout et nous évoluerons avec Vinciane Béranger comme la terre autour du soleil. Tour à tour, les percussions de Philippe Foch seront le bateau, la mer, la lutte des marins avec les éléments, tandis que l’alto sera la présence de la femme absente, restée sur le rivage, le vent, les voiles, le chant de la baleine, les profondeurs sous-marines. Ma voix sera à la fois percussion, cordes, chant, narration du dernier moment, l’incarnation humaine, mais bouleversée par tous ces fragments de vie rencontrés.